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23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 12:42

Toutes les illustrations sont © Kevin O'Neill & Pat Mills et ne sont utilisées que pour informations.

Publications


Dessins, encrage et couleurs par Kevin O’ Neill. Lettrage : Steve Potter.

 

 

 

 


Cette histoire, qui constitue la conclusion de "The Hateful Dead" (initialement titrée "City of the Zombies") ne sortira finalement qu’en 1992 et aux Etats-Unis, sous la bannière Dark Horse. Format comics, couverture cartonnée et papier glacé.

 

 

 

 







L’année suivante (1993), Dark Horse compilera cette histoire avec les deux précédentes dans le recueil "Blood, Sweat, and Fears". Le deuxième, troisième et quatrième plat du one shot de 1992 sont intégralement repris dans cette édition (dont le contenu détaillé peut se consulter ici).

 

 

 







Deuxième plat US










Deuxième plat UK (extrait)







En 2003, le paperback précédent sera réédité par Titan Books en Angleterre avec le même titre (couverture différente). Si le deuxième, troisième et quatrième plat du one shot de 1992 sont également repris, le deuxième plat inclut une fausse publicité supplémentaire (ci-dessus) en lieu et place du résumé de "The Hateful Dead" et des crédits artistiques (son contenu détaillé peut se consulter ici).




Résumé de l'histoire

Après ceux du cimetière, ce sont les super héros du Golden Age "conservés" au Victory Museum qui se voient ressuscités par Black Scarab et son fluide toxique. Ils vont vouloir s’en prendre à Marshal Law qu’ils prennent pour un super soldat Nazi, alors que celui-ci a déjà fort à faire avec une petite amie "morte vivante".

Thèmes abordés

L’illustration ci-dessus résume à elle seule les idées que les auteurs vont vouloir expliciter dans cet ouvrage, à travers une évocation très ciblée des personnages du Golden Age. On retrouve le thème de l’utilisation des figures super héroïques pour masquer la réalité des conflits armés (la focalisation lumineuse entourant les héros évoquant l’arbre pour cacher la forêt), thème déjà abordé pour les guerres panaméricaine, et qui va être ici développé dans le contexte de la seconde guerre mondiale. En observant sur cette même planche les deux incarnations de Marshal Law, on s’attend aussi à ce que Mills et O’Neill développe encore la dualité inhérente à leur personnage (à droite il crache sa haine sur les super héros … dont il n’est finalement pas si éloigné à gauche en tant que représentant d’un certain ordre moral américain).

 

Comme je l’ai déjà signalé dans l’article de présentation, Pat Mills n’était pas un grand connaisseur de l’univers des super héros au moment de la création du personnage. Par la force des choses il s’est penché sur la question et, si la piètre opinion qu’il se fait des comics transparaît dès la première histoire (le "loathing" inscrit sur le torse du Marshal), son analyse très négative du genre atteint son paroxysme avec "Super Babylon".

Certains clins d’œil (Mary Miracle, démarquage de Mary Marvel, est présentée comme l’épouse d’un certain dentiste -S. Elvana sur la boite aux lettres de la planche 23- qui fait référence à l’ennemi juré de la famille Marvel, Silvana, inspiré du pharmacien de C.C. Beck), montre que les recherches effectuées par les auteurs sont loin d’être superficielles, et qu’ils ont étudié la question de très près. 

A  partir de la planche 22, ce sont littéralement ces derniers qui parlent à travers la bouche de Marshal Law, et qui analysent l’utilisation des comics book dans l’exaltation patriotique américaine à partir de 1941. Il est à noté ici que la haine de Pat Mills/Marshal Law envers les super héros frise l’écoeurement, et n’est contrebalancée qu’une seule fois, dans une case ou un super héros du Golden Age a cette réflexion en réponse à la litanie vomie par le Marshal : « Ecoutez, je crois que vous nous prenez bien trop au sérieux », ce qui n’est pas faux. D’ailleurs, cette simple remarque place à ce moment de l’histoire le Marshal dans la position des censeurs qui allaient sévir à la fin du Golden Age (position qui sera accentuée à la fin de l’album). L’opinion des auteurs contraste donc grandement avec l’image gentiment rétro et colorée que l’on peut se faire de cette époque des comics  (période 1939 –création de Superman- fin de la seconde guerre mondiale), période qui sera ressuscitée par Alan Moore dans "1963", "Supreme" ou "Tom Strong" par exemple (en accentuant lui le coté merveilleusement  imaginatif et désuet de ces BD).

 

 

Les attaques sont encore une fois tellement frontales et littérales, qu’il suffit de lire le discours tenu par le héros tel quel pour comprendre que Pat Mills a plus envie de réveiller son lectorat que de jouer avec des costumes bariolés. Les planches 36 et 37 (la récupération des scientifiques japonais ou nazis et de leurs travaux plus que contraires à l’éthique, le comportement des corporations industrielles américaines qui ont profitées de l’effort de guerre des deux cotés) sont à cet égard exemplaires de ses convictions et de sa volonté d’éveiller les consciences. Et la multiplication de pleines pages apocalyptiques exécutées par Kevin O’Neill, donne l’impression que cette histoire lui sert à lui aussi d’exutoire. Au final on se retrouve avec une BD d’action extrêmement brutale, entrecoupées de nombreux discours pamphlétaires (d’une grande justesse du reste), qui pourront déstabiliser le lecteur ne venant chercher qu’un peu de distraction.

 



Quand à l’évolution du personnage, elle est une nouvelle fois liée au personnage de Lynn Evans. Lorsque celle-ci va prendre la parole à la fin de l’histoire (planches 40 et 41, prenant le relais du discours de Black Scarab à la planche 4), elle va stigmatiser la figure symbolique du Marshal en tant que représentant d’un certain ordre (moral, religieux, familial et social).


Comme ils l’avaient fait avec Killoton dans "Kingdom of the Blind", les auteurs vont à nouveau changer de porte parole en cour de route pour mieux isoler leur héros dans ses contradictions. Marshal Law est le représentant de l’oppression morale du système qu’a subit l’héroïne durant son enfance, et c’est paradoxalement Joe Gilmore qui l’en a sauvé.

 

 

 

L’iconisation fascisante utilisée pour décrire le Marshal tout au long du récit prend ici toute son ampleur face aux aspirations libertaires de Black Scarab et sa bande (qui finalement peuvent attirer la sympathie du lecteur).

L’évolution du personnage va atteindre un point culminant à l’issue de cette histoire où la séparation totale des deux personnalités va se réaliser alors que les derniers souvenirs "heureux" qui maintenaient en vie Joe Gilmore seront annihilés au sens propre comme au sens figuré (planches 44 et 45). Si Marshal Law ne ressentait pas la douleur physique, il en est désormais de même pour la douleur émotionnelle.


Références utilisées et autres remarques 

Cet article n’aurait pas été possible sans la lecture de l’ouvrage suivant : "Histoire du comic book 1, des origines à 1954", Jean-Paul Jennequin (Vertige Graphic, 2002), qui couvre entre autre la période de l’Age d’Or des Comics jusqu’à l’adoption du comics code. Merci aussi au Golden Age Heroes Directory de Jesse Nevins que l'on peut trouver ici et de l’aide de Ro et Enclume du site BDtheque.


Les références aux personnages de comics

Extrêmement nombreuses et précises, elles englobent la majeur partie des héros du Golden Age en se focalisant particulièrement sur la JSA (Justice Society of America, repabtisée ici Jesus Society of America). Crée en 1940 dans All-Star Comics #3, cette équipe se retrouve être une réunion de second couteaux, n’ayant pas leur propre publication (lorsque The Flash et Green Lantern auront la leur, ils disparaîtront de l’équipe). Le détournement du titre en "No- Star Comics" à la planche d’ouverture, appuie volontairement cet état de fait.

 

 

On commence par la planche 11, qui parodie la très célèbre couverture d’"All Star Comics" #3 (voir la variante de cette couverture ci-dessus).
L’année lorsqu’elle est indiquée est celle de la création du personnage.


De gauche à droite autour de la table : reconnaissable à son masque à gaz The Sandman (1939, nom inconnu dans la BD), Wild Cat (1941, Tomcat), The Spectre (1940, The Spook), The Flash (1940, Lightning Streaker), Hawkman (1939, Carrion Crow), Dr Fate (1940, Doc Weird), Green Lantern (1940, Blue Battery), The Hourman (1939, Hyperman, la pilule Miraclo ayant été remplacée par un shoot à la seringue).


En haut à droite de la table un Uncle Sam (création de Will Eisner) et une Mary Marvel (1943, Mary Miracle).


A cheval sur les canons et de droite à gauche : Wonder Woman (1941, Victory Girl), Captain America et Bucky (Public Spirit et Private Dick).

 



Non présent sur la planche 11 : Plastic Man (1941, Devil’s Tool, planche 13), le Captain Marvel du Golden Age (1940, représenté par le personnage cherchant en vain sa formule magique "Shazam"), Crâne Rouge et Fu Manchu planche 14, la Torche Humaine du Golden Age (1939, planche 22), Starman (G-Man) et Black Canary (Black Suspenda) à la planche 23, Aquaman (1941, H2O-Man, planche 24), page 26 entre autres une Madam Fatal (Femme Fatale qui partage le même goût pour le transformisme) et un Spirit of 76/Fighting Yank, un Ibis The Invincible croisé avec Zatara (reconnaissable à ses incantations inversées) et un Green Arrow/The Arrow planche 27, The Vigilante (le cow-boy masqué) planche 34 et juste en dessous The Atom (alias the Mighty-Mite), The Doll-Man (1939, Toy Boy) est évoqué au quatrième plat, et bien sûr le Blue Beetle (1941, Black Scarab) déjà présenté dans l’histoire précédente.




Reste à faire le tri dans la multitude de héros décimés à la planche 26 (Hoppy the Captain Marvel Bunny, The Black Terror, Adam Strange/Ultra-Man ?) et ceux qui accompagnent Black Scarab à la planche 39, avec entre autres Dr Mid-Nite et Sheena (Doctor Night-Eyes et Shaggar, pour ceux qui connaissent un peu le british slang).


On peut aussi signaler un Iron Man à la planche 3 (juste en dessous d'une très fine allusion à l'anatomie de Joe Gilmore). C'est une référence hors Golden Age, mais les origines du personnages sont elles aussi liées à un effort de guerre (Tony Stark est un marchand d'armes).
 



Quelques remarques :

 

Wonder Woman créée pour être un archétype de la femme moderne, forte et émancipée, se retrouvera quand même avec la fonction de secrétaire d’un groupe (la JSA, au #8) dont elle est un des membres les plus puissants. Et donc, Victory Girl arbore des entraves de chaînes aux poignets, et le Public Spirit la somme de prendre des notes à la planche 31. Son allusion à Mars, dieu de la guerre à la planche 14, n’est pas anodine dans le thème principal exposé par les auteurs puisque pendant la période de la guerre 39-45, c’était Mars qui dirigeait les forces de l’axe dans le propre titre de Wonder Woman.


Planche 26 et 29, les pouvoirs de Blue Battery, à l’instar de ceux de Green Lantern, n’ont pas d’emprise sur le bois.


Le Blue Beetle de 1941 utilise un fortifiant dans sa lutte contre le crime, il n'est alors pas étonnant de retrouver un Black Scarab gorgé de fluide toxic.


Depuis "Kingdom of the Blind" les sidekicks et autres Boy Wonders (Robin, Bucky etc…) ne sont pas à la fête dans Marshal Law (utilisés pour leurs organes ou pour leurs faveurs sexuelles). Le livre de Jean-Paul Jennequin pose justement la question de l’utilité de ces versions enfantines des héros, forcément misent en danger par leurs tuteurs, et auxquelles les jeunes lecteurs ne semblent jamais s’identifier. Mills et O’Neill ont trouvés des justifications quand à leur existence presque plus plausibles !

 

Autres références :


Le titre "Super Babylon" bien sûr, et voilà ce que l’on trouve sur Wikipedia : « Babylone représente symboliquement, dans le livre de l'Apocalypse, la société occidentale mercantile, décadente, déshumanisée et pervertie, le système répressif, toute forme d'autorité oppressive (police, armée, pouvoir financier, pouvoir politique, etc.). Néanmoins, la Bible, qui en fera le symbole de la corruption et de la décadence, nous en transmettra le souvenir et le prestige qui survécurent à sa chute ».

On peut donc voir dans ce titre une allégorie évidente à notre société contemporaine (« décadente, déshumanisée et pervertie »), une allusion à la figure que représente le Marshal (« autorité oppressive ») et au souvenir que nous laissera un certain Age d’Or en plein déclin (« le prestige qui survécurent à sa chute »).


 

Planche 24 et 25 : il est évidemment fait référence  aux auditions de l’HUAC (House Un-American Activities Committee ou Commission de la Chambre sur les activités non américaines), misent en place peu avant la seconde guerre mondiale pour combattre les influences nazie, fasciste et communiste aux États-Unis, et qui s’attaqua au milieu Hollywoodien en 1947 (avant même le Maccarthisme).


Un petit clin d'oeil au film Y a-t-il un pilote dans l'avion ? des ZAZ peut être remarqué à la page 5. 






Avez-vous remarquez ?


Si vous avez l’oeil plus alerte que votre serviteur, deux microscopiques indices permettent de subodorer que les auteurs n’en ont pas fini avec un de leur personnage : Lynn Evans/Vindicta (c’est Pat Mills lui-même qui a vendu la mêche dans la section éditorial du #2 de "The Savage Dragon/Marshal Law").



Il faut vraiment bien regardé en haut à droite de cette vignette (planche 45)





















Ainsi qu'en bas à droite de la dernière planche














Quelques citations

 Planche 7, ou comment adapter ses insultes face à des morts vivants : « Eat shit and live, asshole ! ».

 

Planche 15, un certain état d’esprit réactionnaire des héros combattant les forces de l’axe : « And remember … If it moves, it’s a Jap ! If it doesn’t, it’s a crafty Jap ! » (crafty = rusé).
 

 




Planche 47, est-ce une bonne idée de s’habiller en super poulet ?

 

 





Planche 27, Marshal Law en réponse à un Billy Batson (Captain Marvel) qui ne veut pas croire qu’un policier puisse jurer ou user de violence gratuite : « Wich earth are you from ? ». Cette réponse se double d’un clin d’œil aux multitudes de mondes parallèles qui encombrent les univers de super héros.



Planche 33, après le Golden Age et le Silver Age, le Marshal se veut le héraut d’un nouvel age : « Welcome to the lead age! » (lead = plomb).

 

Et pour finir, un archivage de musée un peu particulier à la planche 38.


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