Toutes les illustrations sont © Kevin O'Neill & Pat Mills et ne sont utilisées que pour informations.
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Premier arc de 6 numéros de 28 pages sortis aux USA chez Epic Comics (filiale adulte en "creator own" de Marvel Comics) entre octobre 1987 et avril 1989, arc titré à posteriori pour le paperback américain ''Fear and Loathing'' (juin 1990) et traduit en Français par Zenda en 3 tomes (septembre 1989 à mai 1990).
Pour les 6 comics d’origine : la qualité est supérieure au tout venant de l’époque (papier glacé), et il est à souligner que Kevin O'Neill utilise la peinture sur encrage pour cette première histoire.
Marshal Law #1 Epic Comics (USA)
Marshal Law #2 Epic Comics (USA)
Marshal Law #3 Epic Comics (USA)
Marshal Law #4 Epic Comics (USA)
Marshal Law #5 Epic Comics (USA)
Marshal Law #6 Epic Comics (USA)
Pour l’édition française les couvertures, ainsi que les 2ème, 3ème et 5ème de couverture sont exclusives à l’édition, et le format agrandi (A4) permet une meilleure qualité de lecture (néanmoins certaines planches présentent de légers dédoublements). Le papier est bien sûr d’une qualité supérieure (en épaisseur notamment). Toutes les couvertures originales sont reprises. Par contre, les citations ouvrant chacune des 6 parties de l’histoire (encadrées par des rideaux de théâtres) étaient originellement sur un fond constitué d’une photo noir et blanc très peu contrastée. Ces photos n’ont pas été imprimées dans l’édition française, et sont mêmes parfois légèrement différentes dans le paperback anglais (épisode 1 et 4).
Marshal Law #1 Chasseur de Héros, Zenda (FRANCE)
Marshal Law #2 Bactérie, Zenda (FRANCE)
Marshal Law #3 Spirit of America, Zenda (FRANCE)
La traduction de qualité est assurée par Stéphane Salvetti et le lettrage par Martine Segard. Le traducteur a par exemple eu la lourde tâche de trouver des équivalents français à la foultitude de noms de super héros, et s’assurer qu’ils restent accrocheurs, sans trop trahir le sens original. Le Marchand de Sable, est par exemple une bonne traduction pour The Sleepman (en v.o.), bien que son sens ne soit pas forcément très connu du lectorat actuel (et même de l’époque). Et aussi, cette appellation ne permet pas d’insister autant sur l’ironie poétique de la toute dernière case de l’épisode 5, où le Sleepman mourant « … can sleep forever ». L’autre choix aurait été de laisser tels quels les noms des personnages, mais saluons ici l’effort de ne pas avoir choisi cette solution de facilité (à de rares exceptions près, par exemple, le titre intraduisible du second épisode "Evilution", qui est en anglais la contraction des mots "evil" et "evolution").
La comparaison des deux versions, ne révèle aucun contre sens. On peut néanmoins signaler quelques points :
A la planche 22 de l’épisode 6, il manque dans la case 2 (panneau noir), la fin de la phrase : « Il ne doit jamais manifester de faiblesses honteuses, jamais s’effondrer en larmes ». Ce n’est pas anecdotique car cette attitude du Marshal pleurant (contredisant le profil psychologique des super héros qui est fait parallelement dans la narration), peut alors faire écho à la troisième case de la planche 26, où à nouveau ce type de narration est utilisé (accentuant le fait que Marshal Law, n’est pas un personnage unidimensionnelle).
A la planche 27 de l’épisode 5, dans la troisième case, le mot « midi », est la traduction de ''high noon'' dans la v.o.. High Noon est en fait le titre original de Le Train sifflera trois fois, une des références de Western lorsqu’il est question de duels épiques.
Plus embêtant, sans être un problème de traduction, il y a eu inversion entre le texte des 2 premières cases des planches 22 et 24 de l’épisode 6.
Plus anecdotique, souvent les assertions psychologiques issues de la thèse de Lynn sont directement écrites sur le dessin (pas de cadre) dans la v.o.. Pour l’édition française, la traduction de ces textes a obligé l'éditeur à utiliser des cadres à fond noir, ce qui élimine une petite partie du dessin à chaque fois.
L'édition espagnole lancée en 1991 chez Comics Forum reprend quand à elle la parution en 6 numéros au format comics. Les couvertures sont par contre en carton souple et glacées.
La traduction est assurée par Eduard Solé et la partie éditoriale est conduite par Lorenzo Diaz, ce dernier consacrant une page du premier numéro à la contextualisation de la série. Les textes d'ouvertures sont repris sans la photographie en filigrane (et le texte est même absent du premier numéro). Des illustrations extraites des comics sont reprises au dos des fasicules.
Pour l'édition italienne, voir l'article concernant les recueils correspondants.
Pour le paperback américain : il est au même format et dans la même qualité que les comics d’origine. Toutes les couvertures originales sont reprises (le contenu détaillé se trouve ici). Exclusivité importante : il inclue 8 pages de prologue inédites, réalisées afin de mieux définir le monde dans lequel évolue le héros, ainsi que sa genèse (on y retrouve une version rajeunie du commissaire Mac Gland et la première apparition du Private Eye qui aura son propre arc : ''Kingdom of the Blind'' la même année de parution que ce paperback). La dernière de ces 8 pages inédites, a été réalisée afin de pouvoir s’enchaîner avec la couverture du premier épisode. A noter que ce prologue sera aussi proposé aux lecteurs britanniques du magazine Toxic! (#14 et 15 : titré pour l’occasion ''Rites of passage''), mais dans une autre configuration puisqu’il servira de flash back entre "The Hateful Dead" et "Super Babylon", en étant accompagné de 2 nouvelles pages inédites réalisées afin de coller à cette histoire en particulier.
Extrait du prologue où l'on reconnaîtra au premier plan le Private Eye de l'histoire "Kingdom of the Blind" (avec son oeil sur la poitrine), sans omettre de remarquer où se situe un des pieds de Rubber Johnny.
En 1990, le magazine anglais bimensuel "Strip" (Marvel UK), a publié cette première histoire à raison de 2 numéros pour un comics d'origine (du numéro 1 au 12 inclu). L'intérêt de cette version, est qu'elle est au format magazine (A4), et imprimée sur du papier de qualité supérieure (glacé), en revanche le rendu des couleur est très sombre.
Strip #1 Marvel Comics (UK)
Interview et croquis de Kevin O'Neill, Strip #1
Strip #3 Marvel Comics (UK)
Strip #7 Marvel Comics (UK)
Suite à une erreur d'impression, le strip #6 a d'abord été vendu sur du papier de mauvaise qualité. Il a été réimprimé correctement, et inséré gratuitement avec le #9.
L'édition Graphitti Designs limitée à 1500 exemplaires et signées par les auteurs, sortie aux USA en 1990 reprend la totalité du contenu du paperback d'Epic plus l'histoire "Marshal Law Takes Manhattan" simplement titrée ici "Crime and Punishment". De plus, cette magnifique édition en Hardcover simili cuir avec surcouverture, contient 16 pages de matériel éditorial incluant entre autres des croquis préparatoires et l'intégralité du matériel exclusif à l'édition française (le contenu détaillé se trouve ici).
Edition limitée, Graphitti Designs (USA)
Quand au paperback anglais, sorti chez Titan Books en 2002, il reprend l'intégralité du contenu du paperback américain, prologue inclu (à l'exception de la préface de Clive Barker qui a été remplacée par une préface de Pat Mills). Par contre, la couverture diffère (visuel du premier tome de l'édition française), et il possède des illustrations bonus d'O'Neill datées de 1995, initialement prévues pour un projet de film finalement abandonné (le contenu détaillé ce trouve ici) .
Fear and Loathing TPB, Titan Books (UK)
Résumé de l'histoire
Un mystérieux super héros volant, le Marchand de Sable, assassine des femmes ayant revêtu le costume de Céleste, super héroïne aux pouvoirs de séduction décuplés. L'enquête de Marshal Law, l'amène à soupçonner le Super Patriote (que par ailleurs il déteste cordialement), héros de la nation, enfant chéri du peuple et accessoirement compagnon de Céleste.
Thèmes abordés
Le propos principal de cette première histoire est d’évoquer le dévoiement du rêve américain au travers de l'exaltation patriotique glorifiant les guerres ou autres missions moralement douteuses. Et donc, la cible principale ici, est l’image véhiculée par le héros et enfant chéri de la nation : le Super Patriote (au look très Supermanien, le personnage étant plus globalement une synthèse iconique de super héros).
Une carte à collectionner "officielle"
Au travers de cette histoire (et de la suivante), c'est la véritable expérience des vétérans du VietNam que Mills veut confronter au mythe de l'American Hero. A travers les vignettes des planches 12 et 13 du #6, c'est toute l'amertume et le cynisme de ces anciens combattants qui sont remis au premier plan. Il n’est pas étonnant non plus, que Mills ait fait du Public Spirit un astronaute, qui a l’instar de Neil Armstrong en 1969, retenait toute l’attention héroïque du public, alors qu’au même moment, les vrais héros américains vivaient l’enfer face aux Viêt-Cong.
Carte à colectionner "officieuse"
Cette première aventure va même théoriser et prophétiser le changement de ton que connaîtra l’industrie des comics dans la décennie suivante (des univers plus cynique et une multitude de création de personnages au "coté sombre" très marqué) en présentant le passage de flambeau entre 2 modèles de super héros (illustré par le fils du Super Patriote, qui va finalement choisir Marshal Law comme figure paternelle).
Références utilisées et autres remarques
Les références aux personnages de comics : il y en a finalement assez peu dans ce premier arc, qui s’attaque surtout au symbole que représente l'archétype Superman (= Public Spirit/Super Patriote) par rapport au rêve américain. Des références explicites aux univers des super héros de Marvel et DC en particulier, seront beaucoup plus nombreuses dans les histoires suivantes. Pour cette première aventure, la plupart des héros costumés sont des créations non référentielles des auteurs.
Planche 1 et 2 du premier épisode, on peut croiser le Shadow, personnage créé par Walter Gibson.
Planche 2 du troisième épisode : référence au meurtre des parents de Bruce Wayne, évènement fondateur qui fera de celui-ci le Batman. La rue dans laquelle a eu lieu l’assassinat a été baptisée « Crime Alley » (planche 7, case 2 de ce même épisode).
Un Spider-man, Plastic Man et quelques Batman, planche 23 de l’épisode 4.
Quelques Aquaman/Submariner à la planche 26 de l’épisode 4
Les références bibliques et mythologiques, textuelles et visuelles : elles sont quand à elles très nombreuses dans cette première histoire (Pat Mills, enfant, a été dans une école catholique, et c'est une expérience qu'il a fort peu apprécié).
Virago : mot latin qui dans la bible signifie "femme", c’est le nom qu’Adam donnera à la première femme sorti de sa côte, nom qui sera plus tard traduit par "Eve". Virago dans Marshal Law, avec le Super Patriote, sont les 2 premiers super héros issus des expériences menées par le docteur Shocc. Ils peuvent donc être aussi considérés de ce point de vue comme frêre et soeur.
Le nom civil du Super Patriote est Buck Caine. Caïn dans la bible, est un des 3 fils d’Adam et Eve, celui qui tuera son frère Abel dans un accès de jalousie (et qui plus tard se marrira avec sa soeur avec qui il aura un enfant, Hénoch). Caïn sera banni et marqué par Dieu (la ''marque de Caïn'', titre du chapitre 5) : toute personne essayant d'atteindre à sa vie perdriat la sienne. C'est d'ailleurs ce qui arrive au Sleepman à la fin du chapitre 5, tué de la main de Marshal Law (la main de Dieu?). Une autre symbolique est associée au mythe de Caïn, celle d'une conscience qui le poursuivra jusque dans la tombe sans qu'il trouve le repos, et matérialisé par un oeil qui le regarde ("La Conscience", poème de Victor Hugo). A cet égard, on peut tout à fait voir le Sleepman comme le commémorateur des crimes passés du Super Patriote (il perpétue exactement le même crime), et son masque orné d'un seul oeil est peut être là pour hanter le héros de la nation. Et si vous pensez que je pousse le bouchon un peu loin ici, relisez juste les planches 22 et 23 de l'épisode 2...
Le Super Patriote est aussi beaucoup comparé au nouveau messie tout au long de la BD (voir référence à Némesis).
A l’épisode 5, l’enfance du Marchand de Sable est racontée dans un style visuel qui tranche avec l’ambiance générale de la BD (planches 1, 7 et case 5 de la planche 12). On y trouve aussi beaucoup de symbole christiques : auréoles pour la plupart et crucifix (planches 1, 6, 7, 8, 9, 11, 16).
Némésis est la déesse de la vengeance. Ce nom est aussi associé à la colère (« rage » et « revenge » apparaissent sur le costume de Marshal Law = Némésis, à l’avant dernière planche du chapitre 6). Némésis peut aussi être associé à une personne : un punisseur de torts ou un vengeur. C’est aussi bien sûr ''l’étoile noir'' de quelqu’un (ici le Super Patriote), son double maléfique qui cherche à provoquer sa perte. A cet effet, le Marshal est clairement le négatif du Super Patriote, puisque leurs costumes respectifs symbolisent l’opposé de ce qu’ils sont réellement, et ce, de manière inversée. On pourra aussi parler de l’image d’Antéchrist (croix renversée rouge qui orne le masque de Marshal Law), opposé au nouveau Messie.
Le personnage de Judas Iscariote (sans commentaires).
La planche d’ouverture du troisième épisode où il y a ce qui bombarde et ce qui est bombardé.
Episode 3, planche 22, épisode 4, planche 13 et 14 (sans commentaires).
Autres références
Le nom du créateur de super héros, le Docteur Shock, fait référence aux traitements de choc (électrochocs) mis au point en milieu psychiatrique, dont les résultats et les potentialités vont beaucoup intéresser la CIA pour ses techniques de contre interrogatoire (la tristement célebre "shock doctrine", thème beaucoup plus développé dans l'histoire suivante).
Avez-vous remarqué ? en dehors bien sûr des multiples inscriptions disséminées ça et là par O'Neil.
Il y a aussi evidemment les symboles phalliques. Ce thème est développé et explicité au sein même de la BD, on peut néanmoins jeter un rapide coup d'œil à la 4ème case de la planche 13 de l’épisode 4.
Attention spoiler sur quelques indices disséminés ici et là sur l’identité des "méchants" : épisode 4, planche 12, case 3 : « … je risquerais de grimper au plafond » (Virago en est littéralement capable) et case 5 (sans commentaire). Planche 15, case 2 : Danny (le Marchand de Sable donc) se regarde dans un petit miroir dans lequel on ne voit qu’un seul de ses yeux (cf masque du Marchand de Sable), miroir positionné près de la cage d’un oiseau (le Marchand de Sable est un des rares super héros à pouvoir voler).
Avez-vous aussi remarqué où s’essuie un personnage apparemment aveugle dans la première case de la planche 24 de l'épisode 4 ?
Le Marchand de Sable foetal de la couverture de l’épisode 5 n’est pas une illustration inédite pour Kevin O’Neill. Il s’est déjà servi de cette idée pour illustrer une couverture de Nemesis The Warlock.
Planche 16 du dernier épisode : le Marshal fait un bien vilain geste après s’être enfermé dans les toilettes...
Quelques citations
Les premières paroles de Marshal Law dans le premier épisode : « Je suis chasseur de héros… je chasse les héros… en ai pas encore trouvé »', et leur miroir à la fin du dernier épisode : « Je suis chasseur de héros… je chasse les héros… en ai pas encore trouvé… mais je sais où ils sont »(au cimetiere).
« Beaucoup de gens disent que je hais les super héros… ce n’est pas vrai, vous savez… bon, enfin, c’est en partie vrai… ok, c’est vrai. », et son miroir lors du tabassage du Super Patriote : « Je ne pourrais pas m’imaginer frapper un homme à genoux… c’est vrai vous savez… bon, d’accord, c’est qu’à moitié vrai…ok, c’est un mensonge ».
« Super Patriote… si c’est toi le nouveau Messie… je serai celui qui enfoncera les clous ».
Le coté Inspecteur Harry de Marshal Law devient évident à la lecture de certaine répliques : « Si ça peut vous consoler, j’en ai explosé dix ! », et « Souris quand tu me traite de connard ! ».
A propos de l’article de Lynn et sa thèse sur le Super Patriote en tant que symbole phallique : « Je n’ai pas tout compris de l’article -ça vient sûrement de la forme de mon front- mais j’en ai compris l’idée générale. A vrai dire, ça cadrait avec ma théorie personnelle… ça faisait pas mal de temps que je soupçonnais le plus grand héros d’Amérique d’être une tête de nœud ».